Edito décembre : solidarités

Le 7 octobre dernier, des terroristes du Hamas se sont lancés à l’assaut d’Israël, en de multiples points de l’État hébreu. Une action barbare longuement, mûrement réfléchie et préparée pour faire mal et susciter la peur, la terreur même : plus de 1400 victimes innocentes et un nombre important d’otages, de femmes et d’enfants, servant principalement de boucliers humains à de lâches tortionnaires. Le gouvernement israélien a aussitôt rappelé à lui les réservistes de toutes les nations pour renforcer Tsahal, en vue d’opérations terrestres (qui n’ont toujours pas eu lieu quand j’écris ces lignes). Les réservistes arrivent de partout. Le peuple juif dans son ensemble, israélien ou juif de la diaspora, israélite ou non, est solidaire de la riposte dans laquelle s’est engagé Israël. Une riposte de grande ampleur : coupure de l’eau, du gaz et de l’électricité sur toute la bande de Gaza, abritant près de 2 millions de personnes. Une riposte qui met tout un peuple à genoux. Une riposte qui condamne les hôpitaux à l’inactivité, à laisser mourir les innocents touchés par le déluge de bombes qui tombent sur Gaza. Devant une telle riposte, le peuple palestinien s’est lui-aussi montré uni, a fait bloc, contre ce qu’il jugeait être son ennemi. Dans les deux cas, Israël et la Palestine, la solidarité ainsi montrée est… contre l’autre.

Un seul bloc

Le mot « solidarité » vient de langage juridique. En latin, le mot solidum veut dire « former un seul bloc ». Le droit romain utilisait ce terme pour caractériser un contrat liant plusieurs personnes mettant en commun des biens. Ils étaient interdépendants. Tous garant du paiement de la dette. Mais, très vite, on lui a donné un sens plus existentiel, désignant « la profonde réciprocité qui s’établit entre des parents, des amis, des voisins, des collègues, des proches qui partagent difficultés et réussites, soucis et satisfactions, peines et joies, misères et prospérités de sorte que ce que vit l’un d’eux, ce qui lui arrive, concerne et atteint aussi les autres » (André Gounelle).

Cette conception de la solidarité a gagné la politique via un mouvement, dont n’étaient pas étrangers les protestants, le « solidarisme ». « L’économiste protestant Charles Gide, par exemple, préconise et suscite, en particulier à Nîmes, des coopératives ouvrières qui concrétisent à ses yeux une nouvelle organisation économique fondée sur la solidarité humaine et pas seulement sur la rentabilité financière » (André Gounelle). Dans le sillage de ce mouvement, la solidarité jouera un rôle important dans les débats sur les retraites ouvrières, les mutuelles de santé, l’assurance chômage, la gratuité de l’enseignement… C’est une solidarité « pour les autres » !

Un Dieu solidaire

Dans la Bible, Dieu fait œuvre de solidarité. Dieu est proche des humains. Il les accompagne, les aide et les soutient. Dieu fait alliance avec l’humanité (alliance noachique) et avec son peuple. Autrement dit : il se solidarise avec Abraham et sa descendance, avec Moïse et ceux qui l’ont suivi dans le désert, avec David et ses sujets, et avec le peuple d’Israël, le peuple qu’il a choisi, son peuple, qu’il aime et chérit. Cette proximité de Dieu se manifeste dans le nom même que les prophètes, tels Ésaïe ou Agée, lui ont attribué et qu’Il s’est lui-même donné en Christ : « Emmanuel », le Dieu-avec-nous. En Christ, Dieu se montre plus que jamais solidaire de l’humanité. Il naît pour nous. Pour lutter contre le mal sous toutes ses formes et quelle que soit la personne qui en souffre. Il est venu pour vaincre tout ce qui défigure l’humanité, tout ce qui déshumanise l’humain, jusqu’à la haine : « Christ est notre paix, lui qui des deux groupes n’en a fait qu’un et il a renversé ce qui les séparait : la haine » (Éphésiens 2,14). Il s’est incarné pour nous et il meurt pour nous, dit l’Écriture : pour nos péchés et pour nous faire connaître une autre vie possible. Cet Emmanuel naît à Noël. Tout l’enjeu de Noël est là : dans cette solidarité pour les autres et non contre eux. Dans une solidarité pour la justice et pour la paix, partout ! Dans une solidarité avec l’autre contre la pauvreté, l’exclusion et la haine, partout ! Une solidarité qui fait bloc pour des individus en détresse, quelle qu’elle soit et qui qu’il soit. Bon Noël à toutes et tous.

Christophe Jacon

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