Depuis quelques mois, de janvier jusqu’à fin mars (où j’écris ces lignes), le mot « responsabilité » a été employé par les politiques à corps et à cris dans les médias, et souvent à tort et à travers. La responsabilité est une valeur très importante dans le protestantisme, alors même que les mots « responsabilité » ou « responsable » ne figurent pas dans la Bible. Mais peut-être est-il utile de rappeler ce que cela signifie.
Étymologiquement, le mot « responsabilité » vient du latin « respondere », « répondre de », apparenté à « sponsio », « promesse ». Il s’agit donc de « répondre ». De soi, d’abord, de ses actes ou de ses paroles. C’est au nom de cette responsabilité que certains protestants, par exemple, réclament de pouvoir être traduit en justice dans le cas où ils transgresseraient, par compassion, l’interdit de tuer, en aidant quelqu’un à mourir (euthanasie ou suicide assisté). Mais, la responsabilité contient une autre facette où il s’agit de répondre à l’autre, voire même de l’autre. Emmanuel Lévinas a beaucoup insisté sur cette dimension de la responsabilité en affirmant que le visage de l’autre, la souffrance que j’y vois, m’oblige, me contraint à une « réponse ».
Folie
Si la responsabilité consiste en un « répondre », de soi et de l’autre, peut-il y avoir une seule incarnation de la responsabilité ? La période du débat sur les retraites que nous avons vécue pourrait nous le laisser accroire. Il n’y aurait qu’UNE attitude responsable, comme si la responsabilité était devenue, en peu de temps, un synonyme de « raison » ou, encore plus, de « vérité ». Mais cette unicité de la responsabilité, rejetant les autres comportements du côté de l’irresponsabilité, est une chimère. D. Bonhoeffer disait que le chrétien assume sa responsabilité « dans l’ignorance dernière de notre bien et de notre mal, à savoir dans la dépendance de la grâce »[1]. Et tant les exemples bibliques (le berger délaissant 99 brebis pour aller en chercher une ; le Père prodigue dans l’accueil de son enfant) que les exemples historiques (Martin Luther King et la défense des droits civiques aux États-Unis) montrent que la responsabilité chrétienne peut prendre différents chemins, pouvant être considérés par le monde comme irresponsables : trop généreux, naïfs, bienveillants, « à côté de la plaque ». Et pourtant, il est possible que cette folie témoigne de l’amour fou de Dieu… Allez et incarnez, en êtres responsables, avec imagination et folie, cet amour de Dieu pour le monde.
Christophe Jacon
[1] Dietrich Bonhoeffer, Éthique (Le champs éthique 16), Genève, Labor et Fides, 19654, p. 191.