Introduction
La beauté de la Création, l’émerveillement à son égard, il l’a ressenti très fort lors de son voyage de fin d’études, entre le master et le doctorat (il a plongé avec les requins). Mais il a aussi été sensibilisé à la dégradation de la Création, notamment en Inde, sa mise « en abîme » (au sens d’abîmer quelque chose).
C’est cette ambivalence de la Création, émerveillement et destruction, qui peut laisser penser actuellement à un « effondrement » (il y aura, selon les projections, peut-être au cours du 21e siècle 3 milliards de personnes qui mourront à cause de la dégradation de la planète). Mais rien n’est joué. On est dans un « kairos » au sens défini par le Nouveau Testament. Une occasion favorable pour intervenir et modifier le cours des choses.
I) La Bible, racine de la crise écologique ?
Lynn White a publié en 1967 dans la revue Science un article disant que les racines de la crise écologique actuelle étaient bibliques, notamment à cause des récits de Genèse 1 et 2.
Une interprétation fautive de ces textes a conduit à l’exploitation et à la dévastation de la Création.
L’interprétation véhicule un dualisme Homme / Nature où l’homme est à la tête, à la manœuvre. Il domine la nature, est appelé par le Créateur à la maîtriser, tant les animaux que les végétaux. La Création est au service de l’homme. Il y a une visée utilitariste de la Création. Cette interprétation repose quasi exclusivement sur Gn 1,28. Nous reviendrons sur ce texte pour voir comment le comprendre aujourd’hui.
Cette vision se serait diffusée dans l’Occident notamment par les Lumières, et ce jusqu’à aujourd’hui. Cette vision a conduit à différentes révolutions techniques et scientifiques car elle amène à dépasser les limites du créé, les limites du Créateur.
La tradition judéo-chrétienne a donc une responsabilité énorme.
II) La Bible, ressource pour « aimer au vert »
Après cette accusation, les théologiens et les exégètes ont procédé à une relecture des textes incriminés. On a redécouvert l’importance du premier article du Credo, passer à la trappe via une accentuation christologique sous la pression de la Réforme. Dieu est le Créateur, les premières pages de la Bible nous le rappelle. Et non seulement il a créé, mais il crée aujourd’hui comme le dit Colossiens 1,16 et il créera demain de nouveaux cieux et une nouvelle terre (Ap 21,1).
Et, au sein de cette Création donnée, nous sommes appelés à être « serviteurs » et « gardiens » (Gn 2,15). Le verbe « servir » est utilisé dans la Bible pour Dieu, pour le « service divin », la liturgie, le culte. Le verbe « garder », lui, est utilisé pour parler des anges appelés à garder le jardin d’Eden. C’est dire l’importance, la préciosité de la Création : nous sommes les anges de la Création !
Matthieu 6, avec les lys des champs, insiste sur la beauté du créé. Matthieu 10 insiste sur la valeur d’un moineau ! Dieu se préoccupe d’eux, même si l’homme a une place particulière. Dieu ne se désintéresse pas des animaux, il est là, présent, à côté de tous ceux qui meurent et qui souffrent (Mt 10,29-31). Enfin, les commentateurs de Genèse 9 ont bien souvent oublié que l’alliance avec Noé n’est pas qu’avec Noé. C’est avec sa famille que l’alliance est conclue et avec tous les animaux même les animaux sauvages. C’est en fait le premier récit de sauvegarde du vivant, de protection de la biodiversité. Ce récit dit que toute espèce, quelle qu’elle soit, a une valeur propre et intrinsèque. J. Moltmann dira, à partir de ce récit, que la disparition d’une seule espèce est un sacrilège.
III) La théologie écologique
La théologie a parcouru plusieurs pistes :
a) La théologie de la justice écologique et climatique:
Les premières victimes de la crise écologique, ce sont les plus pauvres, en Asie et en Afrique, et pas ceux qui ont « provoqué » la crise. Il y a une ligne de démarcation qui recoupe la ligne nord / sud.
b) La théologie écoféministe:
La dimension d’oppression de la femme est la même que celle qui a mené à l’oppression de la Création. Notre rapport à la nature (mot féminin) est pensé bien souvent et dans bien des pays et cultures sur le mode du féminin : pouvoir, domination, abus…
c) La théologie de la croissance:
Le PIB est l’indicateur, le critère de réussite d’une personne ou d’un pays. Mais jamais on se demande quelle croissance. Quel sens a cette croissance ? Et c’est cela que questionne la Bible : la croissance de quoi ? pour qui ? Pour quoi ? Comment ? Jusqu’où ?
Pas toujours visé le mieux, forcément inatteignable. La croissance, même démographique, peut être questionnée. L’injonction de Gn 1 se termine par exemple sur « remplissez la terre », autrement dit donne une limite. Qu’en est-il de la multiplication quand la terre est « remplie » ?
IV) Agir vers des sobriétés joyeuses
Avant, Martin Kopp parlait de « simplicités joyeuses ». Mais cela n’est pas simple. Il s’est donc résolu à reprendre l’expression de Pierre Rhabi en remplaçant « heureuses », pas très biblique, par « joyeuses ».
a) Un cheminement spirituel
En relation avec la Création. Par exemple, en célébrant en plein air de temps en temps. Mais il ne faut pas tomber dans la quête de pureté de « perfection écologique » suscitant de la culpabilité, du désespoir et conduisant à une démobilisation. Il faut encourager chacun.e à chercher la joie dans ses pratiques quotidiennes.
b) 3 étapes dans l’action
Se demander quelle est mon empreinte écologique, carbone.
Planifier mon action (se donner du temps. Tout ne se fait pas en un jour).
Et agir. Résolument.
c) Cette action comporte trois niveaux
L’engagement individuel ;
L’engagement collectif ;
L’engagement au niveau des entreprises.
Très souvent, deux niveaux désignent le troisième comme responsable de la crise écologique : L’État désigne les individus et les entreprises ; les individus désignent l’État et les entreprises ; les entreprises désignent l’État et les individus.