Edito mars

L’impardonnable

Puisque nous sommes dans le temps du Carême, le temps de la pénitence, où l’on prend le temps de revenir sur soi, sur sa vie spirituelle, ses écarts avec Dieu (les péchés), je voudrais m’arrêter sur ce texte mystérieux évoquant un péché impardonnable :

« C’est pourquoi je vous le dis, tout péché (pasa amartia) et blasphème sera pardonné aux hommes mais le péché de l’Esprit ne sera pas pardonné. 32 Et si quelqu’un dit une parole contre le Fils de l’homme, il lui sera pardonné. Mais si quelqu’un parle contre l’Esprit, le Saint, il ne lui sera pas pardonné, ni en ce siècle ni dans celui qui vient »

D’abord, relevons que Jésus commence par dire que tout péché et tout blasphème seront pardonnés. Même une parole contre le Fils de l’homme, une parole contre Jésus ! Cela a tellement étonné les copistes que, dans le codex Vaticanus, certains ont ajouté une négation, pour bien souligner que toute parole contre Jésus était impardonnable. Mais c’est bel et bien l’opposé que dit le Christ. Et quand on songe à toutes les excommunications prononcées par les Églises contre les uns et les autres sous prétexte qu’ils auraient attenté à « l’honneur de Dieu » ou je ne sais quel autre motif, il est bon de se souvenir de cette parole du Christ. Une parole vraiment libératrice. Le Christ n’a pas besoin de défenseur ou d’avocat. Il est notre avocat, grâce auquel nous sommes assurés de son pardon, nous et tous les autres croyants, quelle que soit leur confession ou leur dénomination.

Ensuite, il y a cette parole sur l’Esprit. Tout est pardonnable sauf une chose dit Jésus, comme dans le jardin d’Eden… Il y a toujours une limite dans la pensée biblique. Probablement parce que la limite est structurante. Dans le contexte de Matthieu, le blasphème contre l’Esprit est en lien avec l’activité d’exorciste de Jésus. Ses adversaires l’accusent de chasser les démons grâce à Belzébul (12,24). Ils confondent l’Esprit de Dieu et l’esprit du malin. Non seulement, ils ont mangé le fruit défendu, en sachant où est le mal, mais, par leur aveuglement, ils confondent et le bien et le mal. L’Esprit de vie, de joie et de grâce est assimilé à un esprit de mort, d’enfermement et d’aliénation. Ils nient ainsi le rôle de l’Esprit et refusent de croire en l’activité libératrice de Jésus.

Peut-être est-ce là une piste pour comprendre l’impardonnable de ce péché ? Il n’est pas qu’une simple opposition à l’Évangile. Il n’est pas non plus qu’une simple désobéissance à la volonté de Dieu. Toutes ces choses sont pardonnables. Jésus l’a dit. Le péché contre l’Esprit serait impardonnable car il s’enracinerait dans cette confusion volontaire du bien et du mal. Et il y en a des tas. Peut-être peut-on en voir des traces chez tous ceux qui bénissent les canons, en Russie et ailleurs, chez ceux qui tiennent des propos homophobes, dans des écoles prestigieuses, sans oublier ceux qui commettent des attentats ignobles ou qui planifient une guerre abjecte, ou bien d’autres choses. Il n’y a pas de pardon car finalement pas de possibilité pour lui, pour le pardon, de se faire une place dans ces cœurs.

            Que le pardon de Dieu vous fortifie chaque jour de vos vies et que l’Esprit de vie vous donne d’accomplir les signes du Royaume de Dieu. Amen.

Christophe Jacon

Zone de Texte: ISSN 0766-4745 Mars-Mai 2024        n°180

 

 

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